mercredi 27 mars 2013

la gentillesse

Synonyme, pour certains, de mièvrerie, de naïveté ou de simple bêtise, elle est vite renvoyée au pays des Bisounours, là où, justement, « tout le monde est beau et gentil ».
Dans la vraie vie, à moins d’être « bonne poire » ou de postuler à la canonisation, nous croyons parfois qu’il vaut mieux être battant, égoïste et sans états d’âme, conditions sine qua non pour réussir et se faire respecter. Le gentil, le mollasson, le soumis, trop faible pour connaître ses désirs et pour les imposer aux autres, est fatalement un perdant, utilisé par les cyniques pour effectuer les basses besognes. « Merci, tu es bien gentil », recueille-t-il avec dédain.
Aujourd’hui, nous ne la considérons souvent que sous l’angle de la manipulation (une séduction pour arriver à ses fins) ou de la vulnérabilité. Celle du timide, qui ne sait pas dire non, prêt à tout pour être aimé… quitte à se faire avoir. Un contresens absolu quand on considère que son fondement, l’empathie, demande une disponibilité à l’imprévu qui exige, justement, sécurité intérieure et confiance en soi.

la fleur du doudou de ma doudou
« Dans une société individualiste, de compétition, où dominent les rapports de force et les affrontements communautaires, elle ne semble pas l’équipement de survie le plus approprié, note le philosophe Michel Lacroix… Alors que c’est justement ce qui peut nous sauver de la “barbarisation” ! Indispensable à l’harmonie sociale, il est grand temps de restaurer la gentillesse si l’on veut préserver notre écosystème relationnel. Sans elle, nous n’avons pas d’avenir. » Parce qu’elle est ce qui nous unit, en dehors des rapports familiaux ou d’intérêts, mais aussi parce que notre bonheur est inextricablement lié à celui des autres. Et que vivre sans est simplement insupportable. « L’irrespect, le mépris, l’agressivité nous plongent dans une guerre sociale qui nous épuise et nous fait souffrir », regrette le philosophe. Tandis que « le plaisir, la chaleur et le réconfort provoqués par la gentillesse n’ont jamais rempli les cabinets de psychiatrie », remarque Frédéric Fanget.
Disposition positive à voir le bon côté de l’autre, elle n’a rien d’obligatoire : je peux choisir de ne pas être gentil sans pour autant être un affreux méchant. Peu coûteuse en temps et en énergie, c’est pourtant une vertu efficace qui se cultive et qui se transmet facilement. Il me suffit en effet d’en bénéficier pour que mon estime de moi bondisse et qu’il me prenne l’envie d’être chaleureux à mon tour. Elle produit de la bonne humeur, du lien social et rend, d’une pichenette, la vie plus douce. « Sans faire de nous des Jésus ou des superhéros, elle a le pouvoir de nous élever un peu, de nous anoblir, en un minimum d’efforts », observe Emmanuel Jaffelin. Car « contrairement à la sagesse des philosophes antiques qui demandait une ascèse ou à la sainteté chrétienne qui exigeait le sacrifice, c’est une minimorale, peu exigeante ». À hauteur d’homme et à portée de main. Un héroïsme des petits gestes… aux grands effets.


lu dans psychologie magazine  

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