dimanche 24 mars 2013

les poètes

Les poètes n'ont pas disparu. Simplement en sommeil ou plus véritablement dans l'ombre. Le monde d'aujourd'hui n'est pas fait pour eux. Ils en font partie, font semblant de lui ressembler, mais en réalité se situent hors du temps, hors du monde. Le poète est le chantre de l'imaginaire.
Dans un monde tumultueux, de plus en plus enclin à la stupidité mercantile et à la corruption légalisée, l'imaginaire n'a plus cours à la bourse des valeurs véritablement humaines. Alors, même au sein de la foule, le poète vit dans la solitude.
Il n'en souffre pas, loin s'en faut, il ne la subit pas non plus, il l'utilise comme protection afin que, dans son silence intérieur, il puisse puiser la quintescence sublime de futures inspirations.



l'idée que les poètes ont disparu n'est pas nouvelle
(mais y-a-t-il des idées nouvelles???)

de C.Martha 1866
"Notre littérature offre depuis quelques années une singularité peut-être unique dans son histoire, et qui est curieuse précisément parce que personne n’y prend garde. La poésie a disparu des lettres françaises, ou du moins tout le monde croit qu’elle a disparu, sans que personne songe à le constater, à s’en affliger. Ce qui nous étonne, ce n’est pas qu’elle nous ait quittés, c’est que le public ne se demande pas même ce qu’elle est devenue, ni si elle est partie pour toujours. Elle ne lui manque pas, il ne la regrette point. Connaissez-vous quelqu’un qui se plaigne de n’avoir plus de vers à lire ? Nous ne dirons pas que le public a pris là-dessus son parti : ce serait faire croire qu’il s’est résigné à une privation. Non, il ignore même que la poésie fait défaut, il n’y a jamais pensé, elle lui est aussi indifférente que pourrait l’être une chose dont on n’a aucune idée et qui n’aurait jamais existé. Celui qui dans un salon s’étonnerait de ce qu’il n’y a plus de poésie en France aurait l’air d’un écolier naïf se plaignant de ce que les arbres ne distillent plus le miel comme au bon temps de l’âge d’or, ou de ce que dans les plaines ne serpentent plus des ruisseaux de lait. On ne manquerait pas de lui répondre : Eh ! quand il y aurait de la poésie, nous ne la lirions pas ; pourquoi donc nous préoccuper de son absence ? Le regret du moins en toute chose est encore un désir, un espoir, et semble prouver que tout n’est pas perdu. Quand vous rencontrez des hommes chagrins qui déclarent que la France n’a plus d’esprit politique, vous dites que l’esprit politique respire encore, ne fut-ce que dans ces plaintes. Quand de pieuses âmes, se lamentent sur la perte du sentiment religieux, vous sentez qu’il vit encore dans ces doléances désespérées ; mais dans la littérature rien de pareil. Les plus honnêtes gens, les plus fins, les plus délicats, n’ont pas l’air de s’apercevoir que les lettres sont privées de leur plus bel ornement. Il semble même que l’on ait comme le sentiment secret d’avoir fait un progrès depuis que le langage incommode des vers est tombé en désuétude. La poésie n’a laissé derrière elle que le vague souvenir d’un usage assez bizarre qui a enfin passé, et on n’est pas plus malheureux de n’avoir plus cet agrément que de ne plus porter, comme au XVIIe siècle, des plumes à son chapeau ou des dentelles à ses jambes."
je ne dors pas, je réfléchis
Amour et joie

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