vendredi 12 avril 2013

René Char





Volontairement, au cours de la guerre il ne publie rien, mais rédige un carnet de notes, où il consigne ses réflexions sur sa vie de résistant, et qu’il publie en 1946, sous le titre Feuillets d’Hypnos, dont voici le fragment 178 :
La reproduction en couleurs du Prisonnier de Georges de La Tour que j’ai piquée sur le Le Prisonnier de Georges de La Tourmur de chaux de la pièce où je travaille, semble, avec le temps, réfléchir son sens de notre condition. Elle serre le cœur mais combien désaltère ! Depuis deux ans, pas un réfractaire qui n’ait, passant la porte, brûlé ses yeux aux preuves de cette chandelle. La femme explique, l’emmuré écoute. Les mots qui tombent de cette terrestre silhouette d’ange rouge sont des mots essentiels, des mots qui portent immédiatement secours. Au fond du cachot, les minutes de soif de la clarté tirent et diluent les traits de l’homme assis. Sa maigreur d’ortie sèche, je ne vois pas un souvenir pour la faire frissonner. L’écuelle est une ruine. Mais la robe gonflée emplit soudain tout le cachot. Le Verbe de la femme donne naissance à l’inespéré mieux que n’importe quelle aurore.
Reconnaissance à Georges de La Tour qui maîtrisa les ténèbres hitlériennes avec un dialogue d’êtres humains.

In Feuillets d'Hypnos, © La Pléiade, p.218




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